Peut-on léguer son logement à quelqu’un d’autre qu’à ses descendants ?

Laetitia Lapiana
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En théorie, chacun peut transmettre son patrimoine au bénéficiaire de son choix, sauf s’il a des enfants. Dans les faits, qu’il s’agisse de legs ou de donation, la loi française encadre strictement la liberté de transmettre en réservant une part aux héritiers légaux. Alors comment fait-on si on souhaite léguer sa maison ou appartement à un parent éloigné, un ami, un proche ou toute autre personne hors du cercle familial ?

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Il est possible de transmettre son logement à la personne de son choix, à condition de ne pas empiéter sur la réserve des héritiers directs. @ Getty
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Transmettre un bien immobilier à un tiers : que dit la loi ?

En matière de succession, le droit français est très protecteur à l’égard des enfants. On estime d’ailleurs qu’actuellement, les héritages aux descendants représentent quelque 60 % du patrimoine national, contre tout juste 35 % dans les années 1970. De fait, depuis la réforme successorale du 1er septembre 2018, seuls les descendants (enfants et petits-enfants) et, à défaut, le conjoint, ont le statut d'héritiers « réservataires », en ce sens qu’ils sont protégés par la loi et que la part du patrimoine qui leur est réservée ne peut être ni diminuée, ni altérée.

Ce faisant, la réserve héréditaire ne constituant qu’une partie du patrimoine – actifs financiers, biens mobiliers et immobiliers –, l’autre partie, nommée quotité disponible, peut être transmise librement par son donateur à qui bon lui semble, à la seule condition de ne pas rogner sur la part des réservataires.

Léguer un bien post-mortem par voie testamentaire

Dans le cas d'une transmission post-mortem d’un bien immobilier, ce legs est qualifié de « particulier » car il désigne un logement précis et doit obligatoirement faire l’objet d’un testament devant notaire. Il existe néanmoins plusieurs cas de figure si l’on souhaite léguer sa maison ou son appartement à un tiers selon les modalités de transmission envisageables et, surtout, sa situation personnelle :

  • En présence d’héritiers réservataires. Si vous souhaitez léguer votre maison à un tiers et que vous avez des enfants, la seule règle à respecter sera donc de ne pas empiéter sur leur réserve. Pour bien faire les choses, il est important d’évaluer si ce bien qu’il vous tient à cœur de léguer à votre conjoint, frère, sœur, ami, filleul..., entre effectivement dans la « quotité disponible » de votre succession et que vous n’allez  pas désavantager vos héritiers légaux.
  • En l’absence de descendants, une part légale – qui correspond à un quart de votre patrimoine – revient au conjoint survivant, à qui la loi garantit une réserve minimale. Libre à vous ensuite de léguer un bien immobilier à un tiers, à condition, une fois de plus, de ne pas franchir la limite de la quotité disponible.
  • Si vous êtes célibataire et sans enfants, alors vous avez carte blanche pour transmettre votre patrimoine à un parent éloigné ou à un proche sans lien de parenté.

Si la « réserve » héréditaire des ayants droit n’est pas respectée, ces derniers sont en droit d’intenter une action en réduction pour remettre en cause le legs ou la donation et récupérer leur quote-part.

Une imposition dissuasive pour le légataire non-héritier

Au-delà des règles intangibles, la transmission par legs d’un bien immobilier est assortie de diverses contraintes. À commencer par des droits de succession particulièrement élevés, qui peuvent représenter un lourd tribut pour le bénéficiaire et dont les montants sont calculés sur la base de la valeur du bien immobilier et selon le degré de filiation :

  • 35 à 45 % d’imposition pour les frères et sœurs, après abattement forfaitaire de 15 932 € sur la part de chaque bénéficiaire.
  • 55 % pour une donation au profit des neveux ou nièces, cousins germains.., après abattement fixé à 7 967 €. Ce même taux s’applique pour tout légataire d’une parenté allant jusqu’au 4e degré avec un abattement de 1 594 €.
  • 60 % de droits de succession pour les bénéficiaires au-delà du 4e degré et toute personne au dehors du cercle familial ou sans lien juridique avec le donateur (concubin, belle-famille, ami...), après un abattement de 1 594 €.

Tout bénéficiaire d’un legs est en droit d’y renoncer sans autres justifications, ce qui peut être le cas, par exemple, pour un héritier non réservataire, pour qui les droits de succession s'avèrent prohibitifs.

La donation de son vivant pour alléger la note fiscale

Les taux d’impositions étant très lourds pour le légataire, a fortiori en absence de liens de parentés, des options permettent d'optimiser une succession. Parmi les plus avantageuses, la donation en démembrement ou de nue-propriété. Ce mécanisme, qui permet d’anticiper une succession tout en réduisant le montant des droits à payer à l’administration fiscale, présente plusieurs avantages :

  • Le donateur transmet de son vivant, via un acte notarié, une habitation à la personne de son choix et dans la limite de la quotité disponible s’il a des descendants, mais en conserve la jouissance et l’usage jusqu’à son décès.
  • A partir de là, le bénéficiaire, dit « donataire », récupère la pleine propriété du bien sans avoir à s’acquitter d'autres de droits de succession, la nue-propriété et l’usufruit reconstitués étant nets d’impôts. 
  • Les droits de donation sont uniquement calculés sur la valeur de la nue-propriété du bien, et non pas sur la valeur plus élevée du logement, ni sur sa plus-value dans le temps.
  • Le taux d’abattement sur la nue-propriété est calculé selon l’âge du donateur ou usufruitier au moment du démembrement de propriété, et puis celui-ci est jeune, plus l’assiette de droits à payer est réduite : 50% de la valeur de la nue-propriété après 50 ans, 60% si le donateur a entre 61 et 70, et 10% de plus à chaque décennie.  
  • Au décès du donateur, le bénéficiaire récupère la pleine propriété du bien avoir à s’acquitter de droits de succession, ceux-ci étant calculés au moment du démembrement de propriété et pouvant être pris en charge par le donateur lui-même, sans autres taxes applicables.

Il est possible de léguer son patrimoine immobilier à une association caritative via un legs particulier si la transmission porte sur un bien d’habitation précis. Si l’association bénéficiaire est reconnue d’utilité publique (article 795 du Code général des impôts), elle n’aura pas à s’acquitter de droits de succession.

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