Est-il possible pour un locataire d'arrêter de payer son loyer ?

Blandine Rochelle
Partager sur
FacebookTwitterLinkedin

Le paiement du loyer est une obligation fondamentale dans le cadre d’un contrat de location. Pourtant, certains locataires peuvent être tentés de suspendre leur règlement : litige avec leur propriétaire, insalubrité dans le logement, désaccord sur l’entretien ou encore fin de bail. Est-ce juridiquement acceptable ? Dans quels cas légitimes un locataire peut-il arrêter de payer son loyer ? Et quels sont les risques ? Faisons le point.

Image
Le paiement du loyer est une obligation contractuelle, il est donc, en principe, interdit de cesser le paiement de son loyer. © miniseries - Getty images
Le paiement du loyer est une obligation contractuelle. Il est donc, en principe, interdit de cesser le paiement de son loyer. © miniseries - Getty Images
Sommaire

Payer son loyer : une obligation contractuelle

Le contrat de bail lie juridiquement le locataire et le propriétaire. En signant ce document, le locataire s’engage à verser un loyer en échange de l’occupation du logement. Cet engagement est prévu par l’article 7 de la loi du 6 juillet 1989, qui précise que le locataire est tenu de « payer le loyer et les charges récupérables aux termes convenus ».

Autrement dit, pendant toute la durée du bail, le locataire ne peut pas décider unilatéralement de suspendre ses paiements, même s’il considère avoir des raisons valables. Une retenue sur loyer, sans décision de justice ou accord écrit du bailleur, peut être considérée comme une faute contractuelle.

Peut-on cesser de payer en cas de litige avec le propriétaire ?

Dans les situations de conflit, comme des travaux non réalisés, des nuisances sonores persistantes ou un logement dégradé, il arrive que des locataires cessent de régler leur loyer en pensant faire pression sur le propriétaire. Pourtant, cette stratégie est risquée et souvent contre-productive.

La loi ne reconnaît pas le « droit de rétention » du loyer en cas de litige. Même si le logement présente des défauts, le locataire doit continuer à payer et engager les démarches juridiques nécessaires pour faire valoir ses droits : mise en demeure du bailleur, saisine de la commission départementale de conciliation, voire recours au juge si nécessaire. La justice est alors la seule à pouvoir décider d’une suspension de loyer ou d’une diminution.

Quelles sont les rares situations permettant de suspendre le paiement ?

Il existe toutefois des circonstances exceptionnelles dans lesquelles un locataire peut envisager de cesser de payer tout ou partie de son loyer. Ces cas doivent être rigoureusement justifiés et encadrés par une décision judiciaire.

  • Insalubrité ou danger avéré : si le logement est reconnu insalubre ou dangereux par un arrêté préfectoral, le paiement du loyer peut être suspendu de plein droit. Il ne s’agit pas d’une simple appréciation du locataire, mais d’un constat officiel.
  • Non-jouissance des lieux : si le logement est rendu inhabitable à cause d’un sinistre ou de travaux empêchant toute occupation normale, un juge peut ordonner la suspension du paiement.
  • Force majeure : en cas d'événement exceptionnel et imprévisible (ex. catastrophe naturelle, interdiction administrative), une suspension temporaire peut être envisageable, toujours sur décision de justice.

Quelle que soit la raison invoquée pour cesser le paiement des loyers, il est indispensable d’informer le bailleur et de recueillir des preuves (photos, rapports d’experts, constats d’huissier).

Peut-on arrêter de payer le loyer en fin de bail ?

Certains locataires pensent qu’ils peuvent cesser de payer leur dernier mois de loyer sous prétexte qu’ils ont versé un dépôt de garantie à l’entrée dans les lieux. Cette pratique est pourtant illégale.

Le dépôt de garantie ne peut pas se substituer au paiement du dernier loyer. Il sert uniquement à couvrir d’éventuelles dégradations constatées lors de l’état des lieux de sortie. Si le locataire ne paie pas son dernier mois, le propriétaire est en droit d’engager une procédure pour loyers impayés.

Quelles conséquences en cas de non-paiement injustifié ?

Un locataire qui cesse de payer son loyer sans motif légitime s’expose à des conséquences lourdes :

  • relances et mise en demeure du propriétaire ou de l’agence mandatée ;
  • résiliation du bail, si une clause résolutoire est prévue au contrat. Celle-ci permet au bailleur de mettre fin au bail automatiquement après un délai imparti (généralement deux mois après un commandement de payer) ;
  • procédure d’expulsion, engagée devant le tribunal judiciaire ;
  • inscription au Fichier des incidents de remboursement des crédits aux particuliers (FICP) dans certains cas si une garantie est en jeu ;
  • frais d’huissier et intérêts de retard, à la charge du locataire.

Il est donc crucial de ne jamais interrompre le paiement du loyer sans avoir consulté un conseiller juridique ou tenté un recours officiel. La meilleure approche reste toujours la voie du dialogue ou, à défaut, celle du juge.

Que faire en cas de désaccord ou de problème dans le logement ?

Avant d’envisager une suspension de paiement, le locataire peut activer plusieurs leviers légaux pour faire valoir ses droits :

  • envoyer une lettre recommandée au propriétaire en détaillant les problèmes rencontrés ;
  • saisir la commission départementale de conciliation, qui est un organisme gratuit chargé de régler les litiges locatifs à l’amiable ;
  • solliciter un expert indépendant pour évaluer l’état du logement ;
  • porter l’affaire devant le tribunal judiciaire, qui est le seul habilité à décider d’une modification du loyer ou de la rupture du bail en cas de manquements graves.

La loi protège les locataires, mais dans le respect d’un cadre strict. Mieux vaut agir dans les règles plutôt que de se mettre en tort en arrêtant simplement de payer.

Cet article vous a été utile ?
0
0

Pouvez-vous nous préciser pourquoi ? (facultatif)

Partager sur
FacebookTwitterLinkedin
Ces articles peuvent vous intéresser
A la une !
Image
L’encadrement des loyers concerne l’ensemble des zones tendues. © Aliaksandr Antanovich – Getty Images
Louer
D’une manière générale, le montant du loyer est fixé librement par la personne propriétaire d’un bien proposé à la location. Un encadrement des loyers est toutefois en place dans certaines communes...
Image
Photo de Money Knack sur Unsplash
Louer
La caution location meublée est une somme remise par le locataire au propriétaire d’un logement meublé afin de se prémunir contre les dégradations et les éventuels impayés. Elle est souvent désignée...